samedi 27 septembre 2008

L'astre radieux

Toi qui scintille calmement dans ton cortège
Depuis l'aube des temps à l'abri du carnage
Quelle chance est la tienne d'habiter la banlieue
Loin des amas et des embouteillages des cieux

Tu enlumines et réchauffes tes rejetons
Qui te suivent avides de tes vibrations
Pour se prémunir ils n'ont pas le choix
Contre la dérive la perdition et le froid

Ton ennemi fatal tu le vois au loin
Tu le sais contre toi il ne pourra rien
Au centre de la galaxie ou il sévit
Il attire son entourage il l'engloutit

Le trou noir de la voie lactée
L'ogre antimatière tant redouté
Tu rayonnes loin de sa gueule
Sans concéder la moindre particule

Des milliards d'années tu en as vécu
Encore jeune pourtant et tu en as vu
De ces débâcles de l'univers
Qui produit le chaos et l'enfer

Mais tu n'as pas perdu ton temps
De Mercure jusqu'à Pluton
Tu as accouché si bien sur Terre
De la vie miracle de l'éther

Astre radieux toi le soleil
Brille encore et toujours pareil
Fais des jours pour une vie éternelle

MG

mardi 23 septembre 2008

L'automne

Elles étaient encore toutes éclatantes

Je me rappelle il y a pas longtemps

Toutes ces feuilles jaunies par le temps

La sépia a envahi mes pages rutilantes


Je découvre mes pensées oubliées

Ici les écrits ternis là les esquisses

Enrobés de poussière gorgés de stress

Je les fouine pour mieux les apprécier


Las de n'y trouver point de virtuosité

J'en viens à tout larguer hors de la maison

Et pour s'assurer enlever tout soupçon

La destruction seule peut voiler ma vanité


Sur les feuilles mortes jonchant la terre

J'étale mon désespoir je donne l'étincelle

Un filet de fumée se fait ponctuel

Le ciel déversa une ondée éclata en tonnerre


Désespéré j'entends gronder

Garde tes croquis

Epargne tes écrits

Je suis l'automne ton conseiller


MG

dimanche 7 septembre 2008

C'est ça l'amour

Le souvenir est confus, étroit et sinueux comme les ruelles de cette vieille Médina. Tout ce qui enveloppait l'histoire n'était pas aussi clair, aussi précis que la beauté de son visage. Les événements de l'époque aussi importants qu'ils pouvaient l'être, n'avaient trouvé place dans ma mémoire saturée par l'éclat et la grandeur de ses yeux. Le décor était flou, les figurants n'avaient pas de visage, la scène se déroulait dans un brouillard qui auréolait son être, l'épargnait pour mieux mettre en valeur sa silhouette fine et gracieuse. Tout ce qui bougeait; gesticulait, était figé comme pour ne laisser apparaître que sa démarche naturelle mais combien majestueuse; tout ce qui pouvait marquer un mouvement , un rythme n'était perceptible tant la magie du roulis de ses hanches prévalait et paralysait tous les regards. Même la saison était indéfinissable si ce n'était ce vêtement négligé sans couleur ni forme qu'elle arborait et laissait voir tantôt une infime partie de ce qui se devinait être une superbe poitrine, tantôt un tracé ou un galbe qui dévoilait à la faveur d'une échancrure, des extrémités d'un exceptionnel façonnement.

Elle était très jeune. Elle habitait une maison très modeste qui côtoyait des Riad somptueux aux portes imposantes qui faisaient la fierté de cette ville impériale. Quand elle sortait de chez elle, le grincement de sa porte délabrée annonçait son apparition; flanquée de deux seaux , elle allait souvent chercher de l'eau à la fontaine de Ras Derb. C'était un moment privilégié pour tous les garçons du quartier qui stoppaient leurs jeux ou détournaient leurs itinéraires pour essayer d'échanger quelques mots , souvent en proposant de l'aider dans sa besogne. Elle déclinait toujours l'offre en détournant son regard tout en rabattant ses longs cils sur ses yeux qu'elle savait ravageurs. Devant son intransigeance et son attitude hautaine, les plus récalcitrants des garçons essayaient de noyer leurs frustrations en lui adressant des mots obscènes qu'elle feignaient ne pas entendre.

J'étais encore plus jeune et du haut de mon adolescence je subissais pour la première fois, à l'égard du sexe opposé, des troubles sensationnels qui n'avaient d'égale que les innombrables boutons tapissant un visage détesté qui était le mien.

Je la regardais, elle me regardait, je ne lui parlais pas, elle non plus. Je baissais les yeux et j'entendais le grincement de la porte de sa maison.
Chaque jour qui se levait, son nom cacophonnait dans mon esprit et me réveillait avec le délicieux projet de quitter la maison, de parcourir inlassablement le Derb à l'affut du grincement de la porte de sa maison.

Ma patience n'avait pas de limite tant chaque jour, à un moment toujours imprévisible, je pouvais la voir apparaître, que les garçons affluaient, que les gros mots fusaient; mais ce qui comptait le plus c'était le regard partagé dans le silence qui précédait le grincement de la porte de sa maison.

Un vrai bonheur, c'était ça l'amour.

Dorénavant mon cœur me servait à quelque chose, il palpitait bien, il palpitait utilement!

Mais vinrent les jours ou j'attendais vainement devant sa porte qui resta silencieuse , mon cœur palpitait autrement, désagréablement, puis se calmait comme pour me promettre des lendemains pleins de retrouvailles.

Cette alternance d'euphorie et de tristesse rythmée par ces rencontres hasardeuses, allait travailler ma mine, accentuer ma maigreur et affecter mes relations. Je boudais les appels aux jeux de mes copains; les maitres d'école malgré ma discipline et mon assiduité persistantes me reprochaient mon air distrait et mon attitude vaporeuse. Chez moi, j'évitais les membres de ma famille et recherchais l'isolement dans les endroits les plus reculés de la maison.

Mais la grande peine allait suivre des jours et des semaines, durant lesquelles la porte de sa maison cessa définitivement de grincer. Au dire des enfants qui n'avaient plus de raison d'interrompre leurs jeux, la belle ensorceleuse avait déménagé sans laisser d'adresse.

La peine aussi forte soit-elle; allait s'estomper progressivement jusqu'à disparaître. C'était la rançon à payer pour le baptême de l'amour. En prime le souvenir est resté indélébile.

C'était ça l'amour, le bonheur c'était trop tôt pour moi.



M.Guessous