mardi 17 mars 2009

Abdelkébir KHATIBI : mission accomplie




Abdelkébir Khatibi nous quitte mais ne disparaît pas. Il laisse pour le Maroc un patrimoine culturel moderne , riche par sa diversité littéraire et artistique.

Grande figure de l’intelligentsia marocaine, Abdelkébir Kathibi. est de ces personnages qui ont fasciné les écrivains français parce qu’il leur révélait des chemins inexplorés de leur propre langue.

C’est ainsi que Jacques Derrida écrit à son propos : « Comme beaucoup d’autres, je tiens Abdelkébir Khatibi pour un des très grands écrivains, poètes et penseurs de langue française de notre temps [...] Je tiens à souligner que cette œuvre, largement reconnue dans le monde francophone et arabophone, est à la fois une immense invention poétique et une puissante réflexion théorique qui, entre tant d’autres thèmes, s’attache à la problématique du bilinguisme ou du biculturalisme.

Ce que Khatibi fait de la langue française, ce qu’il lui donne en y imprimant sa marque, est inséparable de ce qu’il analyse de cette situation, dans ses dimensions linguistiques, certes, mais aussi culturelles, religieuses, anthropologiques, politiques. » Barthes ne dit pas autre chose :  « Ce que j’ai à interroger, à quelque niveau de l’échelle sociale que je me place, c’est un Français “culturel”, façonné par les vagues successives du rationalisme, de la démocratie, des communications de masse.

Ce que Khatibi interroge, c’est un homme intégralement “populaire”, qui ne parle que par ses signes à lui. L’originalité de Khatibi est donc éclatante : sa voix est absolument singulière, et par là même absolument solitaire. Car ce qu’il propose, paradoxalement, c’est de retrouver en même temps l’identité et la différence : une identité telle, d’un métal si pur, si incandescent, qu’elle oblige quiconque à la lire comme une différence. »


Abdelkébir KHATIBI, a exploré avec un égal bonheur toutes les voies de la création littéraire.
Plus de vingt-cinq titres jalonnent son itinéraire d'écrivain, parmi lesquels on retiendra La mémoire tatouée, Denoël, 1971, Le livre du sang, Gallimard 1979 et 1986, Amour bilingue, Fata Morgana, 1983, Dédicace à l'année qui vient, Fata Morgana, 1986, Un été à Stockholm, Flammarion, 1990, L'art calligraphique de l'Islam (avec M. Sijelmassi), Gallimard, 1994, Le roman maghrébin, SMER, Rabat, 1980P, par-dessus l'épaule, Aubier, 1988, Paradoxes du sionisme, Al Kalam, Rabat, 1989, Penser le Maghreb, SMER, Rabat, 1993, La civilisation marocaine (sous sa direction et celle de M. Sijelmassi), Actes Sud et Editions Oum, Casablanca, 1996, La langue de l'autre, éditions Les mains secrètes, New York, 1999… et bien sûr Voeu de silence (épuisé, repris dans Quatuor poétique), L'Art contemporain arabe (Al Manar, 2001), Le Corps oriental (Hazan, 2002), Aimance (Al Manar, 2004), Pélerinage d'un artiste amoureux, Le Rocher, 2004...



Quelques passages de Khatibi:


Fils d'une mère parallèle, je fonçais droit dans l'empiètement des identités, la duplicité, l'appartenance à un bonheur empoisonné


Je fus sacrifié en venant au monde, et ma tête fut, en quelque sorte, offerte à Dieu. L'ai-je jamais retrouvée ?

La splendeur du visible la seule que je connaisse - est au-delà de tout infini, de tout absolu. Je fus enfin délivré des dieux et de leur insaisissabilité. Ma présence, oui, dans la sublime présence des choses, et leur vide cruel est le mien.

Le futur? De l'amour, rien que de l'amour, le corps présente? Un plaisir inouï. Alors le malheur? Une purification de l'âme et de la pensée.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

On prétend que ce sont les meilleurs qui partent les premiers...
J'adhère à sang pour sang à ce fragment de la citation :
"La splendeur du visible la seule que je connaisse - est au-delà de tout infini, de tout absolu. Je fus enfin délivré des dieux et de leur insaisissabilité. Ma présence, oui, dans la sublime présence des choses, et leur vide cruel est le mien.

Le futur? De l'amour, rien que de l'amour(...)"
Bonne journée lumineuse!

Anonyme a dit…

MG, merci
je ne savais même pas qu'il n'est plus, c'est l'un des écrivains qui m'éblouissent, une fierté...un chercheur, un poète, un homme:

Le concept qui traverse Un été à Stockholm, la"Correspondance ouverte" et nombreux recueils poétiques est “l'aimance".
Abdelkébir Khatibi définit l'aimance comme "cette langue d'amour qui affirme une affinité plus active entre les êtres, qui puisse donner forme à leur affection mutuelle et à ses paradoxes. Je suis convaincu qu'une telle affinité est à même de libérer entre les partenaires un certain espace inhibé de jouissance. Un lieu de passage et de tolérance, un savoir-vivre ensemble entre genres, sensibilités et cultures diverses".
remercions yugurta pour cette rencontre!

MG a dit…

too banal: oui, les meilleurs qui plus sont rarissimes!
Bonne quête dans la splendeur du visible!

kalimate,bienvenue, heureux de te rencontrer à travers les kalimate!
A ce propos Khatibi donnait une définition mystérieuse à son néologisme:"L'aimance: un mot secret. Le garder près du cœur, de l'intime du cœur."

Yugurta a dit…

Il a souffert l'atroce.
Je l'entends encore se taire.
Dignité au paroxysme d'un étrange être que je dois connaître à titre posthume. Irais je l'exhumer qu'il ne m'humerait point. Paix à Ton Âme Frère ! Tu me manques.
Merci MG de ne rien oublier. Ceux et celles qui resteront aprés Toi ne t'oublieront pas non plus.

Anonyme a dit…

En naissant, a perdu sa tête mais ses racines a conservé, lui. Dans le silence, renaître.

Ingrate progéniture a dit…

Depuis quand môssieur s'intéresse-t-il à autre chose que son éblouissant, son formidable ego ? :)

Je suis abasourdie :P il faut croire que les êtres changent, fussent-ils d'une redoutable opiniâtreté :))

IyE... d'humeur invariablement taquine :P

P.S : Où dois-je farfouiller pour trouver les oeuvres de ce digne monsieur ? Troisième rayon au fond à gauche ? :P Tu me caches tes livres, maintenant ? :P

MG a dit…

A la taquine gratitude

L'égo est le plus proche de soi, l'accessibilité immédiate, la complicité parfaite. On sait à quoi s'en tenir avec soi même ou presque. L'autre est distant malgré sa proximité, proche malgré son éloignement.
Ravi de te voir batifoler dans mon espace égocentrique!
Le vent du nord te fait du bien.
Alors vive le dialogue nord-sud!

kalimate a dit…

tu brilles par ton absence ami! reviens-nous vite Mg! si l'inspiration te manque, je peux te prêter un peu... sourire.
kalimate

MG a dit…

@ kalimate

Je me verrai élevé si je prouvai puiser de ton inspiration, tes kalimates pallierons avec brio au désert de mes pages blanches. Merci chère amie de l'exclusivité la tienne, celle de s'enquérir du mutisme d'un poète qui ne s'absente que pour mieux revenir !